A chaque fois que je participe à une sortie organisée par ma grande amie Cécile, je peux vous prédire sans trop me tromper que cette virée sera immanquablement placée sous le signe du sport de haut niveau : combien de fois suis-je rentré d'une journée de ski "sur les rotules" tellement il était difficile de la suivre sur ses traces ? Combien de fois suis-je revenu de randonnée complètement usé et à bout de force, n'arrivant pas à suivre son rythme de marathonienne ? D'ailleurs, rien que de penser à notre future escapade terrestre, ça m'épuise déjà... mais c'est tellement bon !
Alors, comme c'était récemment son anniversaire, je me suis dit que pour une fois, c'était moi qui allait organiser la sortie du dimanche : depuis le temps que Cécile voulait voler, c'était l'occasion idéale d'aller nous balader, tranquillement, pépères, dans les airs.
Et vlan ! Qu'est-ce qui me tombe sur le coin du nez ? Je vous laisse juger par vous même :
METAR LFLY 271100Z 19018KT CAVOK 21/06 Q1020 BECMG TEMPO 18025G35KT=
TAF LFLY 271100Z 271221 180020KT CAVOK TEMPO 1221 18025G35KT=
Oui oui, vous avez bien lu : 25 noeuds de vent ( 45 km/h) avec des rafales à 35 noeuds (64 km/h) !!!! Autant dire que pour moi , le pilotage ne va pas être du gâteau ! Le vent était si fort que, de mémoire de jeune pilotaillon, je crois n'avoir jamais décollé aussi court (en DR400) ! Et je ne vous raconte pas les virages en l'air : on se sent emporté d'une force ! Quelle sensation !
Comme Cécile est une passionnée de montagne, je comptais initialement l'emmener jusqu'à Annecy, survoler le lac, voguer de patelins en patelins, passer les cols, vérifier s'il restait un peu de neige accrochée sur les sommets etc... Evidemment, ce projet est vite tombé à l'eau vues les conditions météo du jour, alors nous nous sommes contentés d'un vol de plaine. Au programme, une nav que je connais bien : Lyon, Bourg-En-Bresse, Macon, Lyon. Avec un vent pareil, je ne comptais pas trop traîner en l'air, mais bizarrement, c'est le sentiment inverse qui s'est produit : parce qu'en haut l'air est beaucoup plus 'laminaire' qu'au sol, l'effet du vent ne se faisait que très peu sentir une fois passés les 1000ft QFE (sauf sur la vitesse sol !)
Résultat : j'ai emmené Cécile voir la Roche de Solutré, puis nous avons poussé la nav jusqu'à Cluny (connue pour sa grande abbaye et sa fameuse école des Arts et Métiers) que je n'avais encore jamais vue d'en haut.
Comme Cécile est aussi une grande spécialiste de Mécanique des Fluides, je lui ai proposé de vérifier les quelques lois élémentaires de physique liées à l'aile d'avion et la mécanique en général, en faisant quelques exercices pratiques en l'air : influence de la vitesse de l'air et de l'incidence de l'aile sur Fz, lien entre Vz et Vi, lien entre Vi et Vsol, principe du gyroscope, rôle des gouvernes (palonniers) et action du manche sur les gouvernes. Par contre, elle qui explique en long en large et en travers à ses étudiants ce qu'est le décrochage en mécaflux, elle n'a bizarrement pas voulu que je le lui montre 'en pratique'.
Après 1h30 à traîner (c'est le mot !) en l'air, nous rentrons sur Lyon : notre vitesse sol ne voudra pas dépasser les 75kt ! C'est alors qu'arrive le moment de l'atterro . De suite, j'annonce la couleur à ma passagère : ça va être du sport (pour changer !). Pour me sentir à l'aise, je balance tous les trucs inutiles à l'arrière de l'avion : cartes, logs de nav, crayons, règle. J'intègre la vent-arrière, et déjà j'essaye de calculer mes vitesses en finale avec ce vent, et je réfléchis à la configuration de l'avion que je vais adopter (1 ou 2 crans de volets ?).
- "T'inquiète pas, j'ai confiance en toi" me dit Cécile. Plus facile à dire qu'à faire !
J'ai ma clairance d'atterrissage, j'arrive en courte, en très très courte, le sol s'approche. Je suis à Vi=130km/h que je garderai jusqu'à la réduction des gaz. Ça secoue (grave) au fur et à mesure que je me rapproche du sol. Je tente de conserver l'axe de piste, je réduis, je mets du manche dans le vent et du pied de l'autre côté, les roues du train principal touchent le sol, puis la roulette.... Ouffff, j'ai atterri, l'avion va bien et les passagers aussi : on appellera donc ça un "bon" atterrissage même si, comme j'ai coutûme de le dire, j'ai déjà réussi bien mieux ...
Quant à Cécile, elle n'était absolument pas stressée, elle a même pris des photos pendant l'atterro...
Je crois qu'elle n'oubliera pas ce vol riche en sensations...